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Les PFAS en Suisse : quel impact pour les sols et les cultures potagères

Les PFAS en Suisse

Qu’est-ce que les PFAS et pourquoi en parler au jardin ?

Dans le monde du jardinage urbain, on parle beaucoup de compost, d’associations de cultures, d’arrosage malin… Mais depuis peu, une autre réalité s’invite dans nos jardinières : celle des PFAS. Ces substances chimiques, parfois appelées « polluants éternels », inquiètent de plus en plus, et pas sans raison.

Les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées), ce sont des composés chimiques utilisés depuis les années 1950 pour leur incroyable résistance à la chaleur, à l’eau, à l’huile… et même au temps. On les retrouve dans des produits de tous les jours : textiles imperméables, mousses anti-incendie, ustensiles de cuisine antiadhésifs, emballages alimentaires et même certains engrais issus de boues d’épuration. Le hic ? Ces substances ne se dégradent pas facilement et s’accumulent dans l’environnement… y compris dans nos potagers.

PFAS en Suisse : où en est-on ?

La Suisse n’est pas épargnée. Plusieurs études récentes ont révélé la présence de PFAS dans les sols, les eaux souterraines et les cultures. Certains points chauds ont été identifiés, notamment autour de sites industriels ou d’aéroports, où les mousses anti-incendie contenant des PFAS ont été utilisées intensivement.

Le canton de Bâle ou certaines zones proches de grands axes routiers présentent des taux préoccupants de PFAS. Des analyses de sol menées par des ONG et par l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) montrent que cette pollution – invisible à l’œil nu – est bien réelle et diffuse. Le problème ? Même en faible quantité, certaines de ces substances s’accumulent dans les plantes, surtout dans celles qui poussent en surface ou qui ont des racines superficielles (salades, herbes aromatiques, radis…)

Quel risque pour mon potager en ville ?

Bonne nouvelle : si vous jardinez sur un balcon avec du terreau neuf et des contenants non pollués, le risque est faible. Idem pour les potagers surélevés bien gérés, avec de la terre ramenée ou du compost maison issu de matières propres.

En revanche, si vous cultivez directement en pleine terre, dans une zone urbaine proche d’une ancienne zone industrielle, d’un aéroport, ou d’un axe routier fortement fréquenté, il vaut la peine de se poser quelques questions. Quelques éléments concrets pour évaluer votre exposition :

Si vous répondez « oui » à l’une de ces questions, mieux vaut approfondir l’analyse, voire faire tester votre sol.

Comment savoir si mon sol est pollué ?

Malheureusement, il n’existe pas (encore) de test bon marché à faire soi-même pour détecter les PFAS. Ces substances nécessitent des analyses en laboratoire spécialisé, coûteuses et encore peu accessibles pour des particuliers. Comptez entre 300 et 800 CHF selon la complexité.

Mais ne paniquez pas : avant de payer une analyse professionnelle, une discussion avec la commune ou le service de l’environnement local peut être utile. Certaines collectivités mènent ou ont mené des campagnes de cartographie des pollutions. Demandez s’il existe des données publiques ou un historique des usages de votre parcelle.

Des gestes simples pour limiter l’exposition

Même en l’absence de tests précis, il existe des gestes de bon sens pour limiter la présence potentielle de PFAS dans votre potager urbain :

Chez moi, par exemple, j’arrose mes bacs avec l’eau du toit récoltée dans une cuve… mais j’ai fait attention à remplacer l’ancien revêtement de toiture plastique douteux par un matériau plus neutre (et j’ai filtré l’entrée de mes récupérateurs).

Peut-on continuer à jardiner en toute confiance ?

Oui, cent fois oui. Le but n’est pas de jeter son potager avec l’eau du bain. Jardiner reste un acte profondément bénéfique, pour la santé physique, mentale et environnementale. Mais comme pour beaucoup de choses, un peu de vigilance ne fait pas de mal.

Les PFAS sont une réalité qu’on ne peut plus ignorer, mais il ne s’agit pas non plus d’avoir peur de chaque feuille de salade. Il suffit d’adopter une posture d’observation : regardez d’où vient votre sol, comment il vit, quels matériaux vous utilisez au quotidien, et diversifiez vos pratiques.

Et s’il vous arrive de douter, pourquoi ne pas dédier quelques bacs uniquement à l’expérimentation : tester une autre provenance de terre, varier les apports organiques, ou faire une rotation avec des plantes moins sensibles, comme les topinambours ou les haricots, souvent moins accumulatrices.

Et du côté des solutions collectives ?

Le problème des PFAS n’est pas uniquement individuel. Il engage aussi une responsabilité collective. Certains cantons suisses ont déjà réagi : surveillance du réseau d’eau potable, analyses des sols à risque, plans d’assainissement… mais les textes légaux sont encore flous ou en retard sur la science.

À notre échelle, on peut aussi agir :

Chaque geste compte, même au jardin. En limitant l’entrée de ces polluants dans nos foyers, on en réduit aussi la diffusion mutuelle entre intérieur et extérieur.

Un jardin durable, c’est aussi un jardin conscient

L’idée n’est pas de devenir parano, mais d’être lucide. Tout comme on regarde la météo ou on observe les pucerons avant d’agir, prendre en compte la réalité invisible des PFAS dans nos sols, c’est passer au jardinage de demain – résilient, local, réfléchi.

Dans mon petit jardin urbain, j’ai choisi d’intégrer ces réflexions progressivement : je continue à composter la majorité de mes déchets organiques, mais je fais attention à leur provenance. Je cultive moins de salades, plus de légumes-racines dans des contenants. Et je discute régulièrement avec mes voisins jardiniers : ensemble, on partage infos, astuces… et récoltes !

Alors oui, jardiner en Suisse aujourd’hui implique parfois de faire face à des réalités pas toujours bucoliques. Mais c’est justement dans l’action, dans les choix concrets et dans l’autonomie qu’on retrouve le vrai pouvoir du jardinier urbain.

Et vous, votre sol, vous lui avez déjà posé des questions ?

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